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La Villa d'Hadrien, ou Villa hadrienne, en latin Villa Hadriana (en italien Villa Adriana), est une villa antique bâtie par l'empereur Hadrien au IIe siècle. Située dans l’agglomération de Tivoli (l'ancienne Tibur), à une trentaine de kilomètres de Rome, elle figure parmi les ensembles monumentaux les plus riches de l'Antiquité. Elle est répartie sur une surface de 120 hectares, pour un périmètre actuel visible de 40 hectares.
Selon l’Histoire Auguste attribuée à Spartianus, Hadrien « orna d'édifices admirables sa villa de Tibur : on y voyait les noms des provinces et des lieux les plus célèbres, tels que le Lycée, l'Académie, le Prytanée, Canope, le Pécile, Tempé. Ne voulant rien omettre, il y fit même représenter le séjour des ombres ». On déduit généralement de cette citation que la villa évoque par son architecture les ouvrages et les sites qu'Hadrien a vus lors de ses nombreux voyages dans l’Empire romain.
D'après l'étude du système de canalisations et des égouts, il est possible que le complexe ait été conçu dans sa globalité dès le départ, malgré l’impression de libre improvisation provoquée par la répartition dissymétrique et disséminée des constructions.
L'ensemble est construit en deux ou trois phases très actives de 118 à 121, de 125 à 128 et de 134 à 138, entrecoupées de périodes de travaux moins soutenus, comme en témoignent des briques portant des dates consulaires, retrouvées dans près de la moitié des bâtiments. Après la mort d'Hadrien, ses successeurs continuent sans doute à venir à Tivoli comme en témoignent des aménagements au IIIe siècle, mais par la suite la villa est progressivement abandonnée, et tombe dans l’oubli au Moyen Âge.
À partir de la Renaissance, l'humaniste Flavio Biondo est le premier à mettre un nom sur les ruines. La villa est fréquentée par des artistes comme Piranèse, des architectes comme Sangallo ou Borromini et des amateurs d’antiquités qui la pillent de ses oeuvres artistiques et de ses éléments d’architecture. Du XVIe au XIXe siècle, la villa est explorée et les centaines d'oeuvres découvertes partent enrichir les collections privées et les grands musées d'Europe.
En 1870, le domaine revient au gouvernement italien qui y fait entreprendre des fouilles et des restaurations : celles-ci révèlent la stupéfiante architecture de ces bâtiments et parfois même des stucs et des mosaïques.
Des fouilles méthodiques ont été effectuées avec des techniques modernes, principalement vers 1950 dans le « Théâtre maritime » et le « Canope », et à la fin des Années 1970 à la « piazza d’Oro ». Néanmoins la plus grande partie du site reste à explorer.
La Villa d’Hadrien a été ajoutée en 1999 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mis à part certains locaux aux caractéristiques aisément reconnaissables comme les thermes, l’interprétation de nombreux bâtiments est problématique et incertaine : partant de la biographie d’Hadrien rédigée par Spartianus, on a proposé d’identifier à tel ou tel ensemble les évocations de monuments de Grèce antique et d’Égypte antique : le Poecile, l’Académie, le Lycée et le Prytanée d’Athènes, le sanctuaire de Sérapis et le canal reliant la ville de Canope à Alexandrie. Seul le Canope et le temple de Sérapis sont identifiés avec certitude, par les sculptures de style égyptien trouvées en cet endroit. D’autres parties de la Villa reçurent des appellations arbitraires comme le Théâtre maritime, la piazza d’Oro, la salle des Philosophes, l’Hospitalia, les bibliothèques. Ces dénominations conventionnelles et parfois contestées ont été adoptées dans la plupart des descriptions de la Villa.
La partie dégagée de la Villa s’organise en fonction du terrain, légèrement vallonné et compris entre deux petits cours d’eau. Selon le relief, on peut distinguer ainsi quatre complexes de vestiges avec chacun une orientation propre :
D’autres édifices isolés sont répartis à la périphérie de la Villa : un Odéon au sud, au nord un théâtre et un sanctuaire de Vénus dont la Tholos abritait une copie de l’Aphrodite de Cnide sculptée par Praxitèle.
La construction dite « Théâtre maritime » commence dès 118, à proximité de l’ancienne villa d’époque républicaine. Son architecture complexe est sans équivalent dans le monde romain, et sans rapport avec un Théâtre romain habituel. Dans les Années 1950, ce théâtre a fait l’objet de fouilles et d’une reconstitution par l’archéologue Pietro Romanelli et l’architecte Italo Gismondi.
Le théâtre maritime est un ensemble orienté situé en face du jardin des Bibliothèques. Un Pronaos, dont il ne reste presque plus rien, permet de pénétrer à l'intérieur d'un Atrium puis, dans le même axe, de rejoindre un portique circulaire à colonnes ioniques, couvert par une voûte en berceau. Au centre, un canal délimite une île sur laquelle se dresse un édifice circulaire de 45 mètres de diamètre, comprenant lui aussi un atrium et un portique. S'y ajoutent un petit jardin, un petit complexe thermal, quelques pièces, dont une chambre, et des latrines. Il s'agit là d'une véritable « demeure dans la demeure », destinée à offrir un espace d'isolement et de recueillement.
Le Canope est un plan d'eau de 119 mètres de long pour 18 mètres de large située dans une petite vallée partiellement artificielle, orientée nord-ouest / sud-est. Il doit son nom à une ville égyptienne réputée pour ses cultes d'Isis et Sérapis et également dédié à Antinoüs, favori de l'empereur Hadrien et mort noyé. Ce bassin symbolise un antique canal qui reliait les deux villes égyptiennes d'Alexandrie et de Canope. Il est bordé par une double colonnade à l'est et une colonnade simple à l'ouest, complétée de quatre cariatides, copies de celles de l'Erechthéion d'Athènes et encadrées par deux statues de Silènes.
Le bassin s'achève au sud est par un édifice, le Sérapéum (édifice dédié à Sérapis), qui s’enfonce dans le vallon. Ce bâtiment se raccorde élégamment au Canope par un petit bassin rectangulaire (environ 15 m sur 10 m). Les statues d’Antinoüs et d’autres de divinités égyptiennes trouvées dans ce bâtiment valident l’hypothèse d’un lieu dédié à la fois à Sérapis et au favori d’Hadrien. La salle principale est couverte d’une demi-coupole de 43 m de diamètre (soit 150 pieds romains). Elle comporte un immense lit incliné, Triclinium destiné à accueillir, probablement en été, les convives de banquets.
À l’opposé, l’extrémité nord est du canal est arrondie, la colonnade en partie reconstituée est surmontée d’architraves alternativement horizontales et en arc. Les espaces entre les colonnes s’ornent de moulages en ciment de statues d'Arès (Mars), d'Hermès (Mercure) et d'Athéna (Minerve). Sur deux socles émergeant dans l’axe du bassin se dressaient des copies de statues d'Amazones du temple d’Éphèse.
Interprétation : On s'est longtemps posé des questions sur la signification de cet endroit mystérieux qui constitue un hommage personnel d'Hadrien au défunt Antinoüs. Ce bassin qui allie les cultures latine et égyptienne représenterait la mer Méditerranée qui de Rome aboutit à l'Égypte, et le petit bassin qui vient se greffer au grand bassin serait à l'image du delta du Nil.
Selon une autre interprétation, ce lieu participerait du culte impérial, Hadrien s’y mettant en scène en Sérapis lors des banquets d’apparat.
En descendant le vallon au-delà du Canope, on trouve les grands thermes et les petits thermes, à peu près alignés parallèlement à l’axe du Canope et séparés par un bâtiment qui semble former un vestibule d’entrée dans la Villa.
D’autres bâtiments annexes sont constitués d’une série de pièces, et sont présumés être un Prétoire pour le logement des officiers de la garde impériale, ou des logements du personnel.
Le vallonnement se ferme sur le Poecile et d’autres bâtiments, tous orientés selon les points cardinaux.
À l’ouest du Théâtre maritime, l’immense portique qui entoure un grand bassin a été identifié comme une représentation de la Stoa Poikilè (ou Poecile), portique d’Athènes décoré de peintures.
Le Poecile est le plus grand des édifices de la Villa d’Hadrien : 235 m de long, 110 m de large, avec un bassin de 110 m sur 25 m. Il ferme le vallon du Canope, et a nécessité d’importants travaux de terrassement du côté nord pour compenser la pente naturelle du terrain. Son plan est un rectangle orienté est-ouest avec des extrémités légèrement arrondies. Le bassin central qui s’étend sur son grand axe reprend ce plan de rectangle arrondi. Le Péristyle qui entoure le Poecile est curieusement doublé sur le coté nord, avec un haut mur de séparation intérieur. Ce mur rappelle la configuration de la Stoa Poikilè conçue pour protéger des vents du nord. Certains auteurs font aussi observer que cela permet de se promener tantôt au soleil (coté sud) ou à l’ombre (coté nord).
Interprétation : La encore, les avis divergent : ce que la plupart des auteurs voient comme un vaste jardin d’agrément bordé d’un péristyle propice aux promenades serait un Hippodrome pour l’italien Vighi et pour Stierlin. Leurs arguments se fondent sur les dimensions de l’édifice autorisant des courses, la fréquence de l’association entre un palais impérial et un hippodrome et la sacralisation de cette association symbolisant la course solaire (l’hippodrome est orienté est-ouest). La spina qui marque l'axe de l’hippodrome serait dans cette hypothèse le bassin central, configuration que l’on retrouve dans l’hippodrome de Lugdunum.
Jouxtant le Poecile au sud et à l’est, un groupe de bâtiments s’organise plus ou moins en forme de croix : un jardin ou un stade allongé du nord au sud, une salle à trois exèdres à l’ouest, un Péristyle entourant un vivier à l’est.
Cette partie de la Villa offre la vue la plus ample et la plus belle sur le reste du paysage, ce qui a amené quelques auteurs à y situer le Palais résidentiel d’Hadrien et à la nommer « Petit Palais ». En l’absence de fouilles scientifiques dans ce secteur, cette déduction basée un peu légèrement sur l’esthétique n’est pas validée.
L'hospitalia, située non loin des bibliothèques, se composait de dix chambres réparties de part et d'autre d'un couloir central. Il ne s'agirait pas, comme l'on a longtemps cru, d'un hôtel destiné à recevoir les invités de l'empereur, mais d'un logement pour des soldats d'élite de la garde prétorienne qui y dormaient à trois par chambre. Ceux-ci disposaient aussi d'un autel dédié au culte impérial et de latrines. Les mosaïques en "opus tessellatum" — technique de mosaïque grossière de plusieurs centimètres — qui jonchent le sol de ce bâtiment s'opposent à celles du palais, de meilleure qualité, ce qui autorise l'interprétation de l'hospitalia comme bâtiment de service.
La Salle des Philosophes était une grande salle contiguë au palais et faisant partie de Poecile. On lui a donné ce nom est supposant que s'y réunissaient les philosophes et écrivains protégés par le mécénat d'Hadrien. Ils exposaient dans cette salle leurs idées philosophiques et y déclamaient leurs oeuvres littéraires à la cour.
On s'est longtemps demandé à quoi pouvaient servir les niches présentes dans l'abside. On a d'abord supposé qu'elles servaient de bibliothèques (d'où l'hypothèse ci-dessus de la présence des philosophes) ; il est plus probable que ces niches abritaient des statues des grandes figures de Rome.
Le palais ayant été en partie construit pendant l'époque républicaine, Hadrien n'a fait que remanier ce bâtiment qui est construit sur un plan très simple, contrairement à la Place d'Or voisine. Le côté occidental du palais étant complètement dépourvu de constructions, cet espace était probablement occupé par un jardin.
On suppose, au vu des grands espaces résidentiels de la Villa, qu'elle devait accueillir environ 3000 personnes, c’est-à-dire une cour, des domestiques et des vigiles prétoriens, soit un population nombreuse. Les privilégiés de cette population logeaient dans le palais même en compagnie de l'empereur, les courtisans de second rang, les soldats de garde et les serviteurs devaient se contenter de logements modestes comme l'Hospitalia. La même ségrégation existait quand il s'agissait de baigner: les petits thermes pour la première classe, les grands pour les autres. Mais même à l'intérieur de chacun des thermes, un deuxième tri se faisait car, à l'époque, les femmes pouvaient entrer le matin, les hommes l'après-midi. Les archéologues, pour déterminer le profil des occupants de chaque construction, ont toujours fait attention au type de mosaïques, les plus fines (Opus vermiculatum) pour l'élite, les plus grossières (Opus tesselatum) pour le commun.
L'activité de la villa, les chantiers permanents, le ravitaillement des résidents provoquaient vraisemblablement une circulation incessante et tumultueuse. D'où une brillante idée que l'on attribue à son architecte propriétaire : établir un réseau souterrain s'appuyant tout d'abord sur les caves créées par l'extraction du tuf et et de la pouzzolane nécessaires à la construction des bâtiments ; ces passages souterrains furent agrandis considérablement, de manière à former un réseau desservant la villa entière du théâtre au lycée. Les galeries étaient creusées à sept mètres sous terre, hautes de cinq mètres en moyenne, et longues de 100 à 300 mètres ; elles étaient éclairées par des torches disposées tous les 10 mètres. Ces galeries comportaient des points où 260 chevaux pouvaient se reposer : ces "parkings" souterrains pouvaient accueillir 200 chariots qui arrivaient chargés de nourriture et en ressortaient à vide.
On peut imaginer ainsi la vie d’Hadrien dans sa villa : il fréquentait le Théâtre maritime, petit sanctuaire où il se livrait à lotium ( temps de loisirs où il s'adonnait à la divination, à la lecture... ) et, pour célébrer en quelque sorte la mystique de la fonction impériale, point central du monde d'où rayonne la toute-puissance, se rendait en son centre tous les jours à midi pour recevoir - par une ouverture pratiquée intentionnellement dans le toit - un peu de lumière solaire tombant sur lui.(Hadrien y siégeait-il en majesté, comme il le faisait dans le Panthéon de Rome, pour rendre la justice ??) Il discutait avec les philosophes, dans une salle contiguë réservée à la culture, allait voir des représentations théâtrales, et dînait dans l'alcôve du Sérapéum en compagnie de quelques proches. Dans les dernières années de sa vie pendant lesquelles il vécut dans la villa, il ne disposait pour les activités sportives que d'une palestre assez éloignée du palais, mais il avait déjà pensé à ce point et veillait au chantier d'un grand stade situé entre les thermes et le Poecile.
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